11/08/2014
Recherche

Les particules de l’atmosphère affectent en temps réel la formation des nuages

Comment les nuages affectent-ils le climat ? Qu’est-ce qui détermine la
structure des nuages bas qui refroidissent l’atmosphère, ou celle des
nuages hauts qui capturent la chaleur provenant du bas ? Comment
l’activité humaine change-t-elle les processus de la formation des
nuages ? La recherche du professeur Ilan Koren, publiée dans la revue Science,
montre que l’activité humaine pourrait pousser les nuages à élargir
leur surface et à s’épaissir. Avec son équipe, il a analysé un type
spécifique de formation de nuages. Les résultats, montrent qu’à l’époque
préindustrielle, il y avait moins de couverture nuageuse qu’il y en a
actuellement au-dessus des zones océaniques.

Pour se former, les nuages ont besoin de minuscules particules, les
aérosols, qui se trouvent en suspension dans l’atmosphère. Ces aérosols,
qui peuvent être naturels comme le sel de mer et la poussière, ou
artificiels comme la suie, forment des noyaux autour desquels les
gouttelettes provenant des nuages se condensent. Dans des environnements
relativement propres, les nuages ne peuvent pas dépasser la taille que
leur permet la quantité d’aérosols dans l’atmosphère. En effet, ceux-ci
sont le facteur qui limite la formation des nuages. La question est : la
quantité actuelle des aérosols dans l’atmosphère dépasse-t-elle déjà
cette limite, et dans ce cas le fait d’ajouter encore quelques
particules ne devrait pas avoir une influence importante sur la
formation des nuages ? Ou les aérosols sont-ils restés le facteur
limitant même avec l’augmentation de la pollution, et dans ce cas les
aérosols qui s’ajoutent continueraient-ils à avoir de l’influence sur
les nuages ? Un modèle développé par le Pr Koren et son groupe a montré
qu’une augmentation du nombre d’aérosols, même dans un environnement
relativement pollué, serait à l’origine de nuages plus épais et étendus,
provoquant des pluies plus agressives. Mais faire la preuve de ce
modèle a été une autre histoire, car il est très difficile de faire des
expériences sur des nuages, ou même de trouver des moyens d’isoler en
temps réel les différents facteurs qui font partie de leur formation.

Le Pr Koren, le doctorant Guy Dagan et la Dr Orit Altaratz, du
département des Sciences de la terre et des planètes du Weizmann
Institute of Science (Israël), ont trouvé un endroit inattendu pour vérifier leur modèle :
près des Latitudes des chevaux, régions subtropicales situées loin dans
les océans, qui ont été frappées d’anathème par les marins, il y a très
longtemps, parce que, en l’absence de vent, les bateaux à voiles étaient
parfois bloqués pendant de longues semaines. Les chercheurs ont trouvé
là un laboratoire naturel qui leur a permis d’expérimenter la physique
de base de leur modèle : une région atmosphérique où règnent des
conditions météorologiques bien définies. Il peut y avoir des périodes
où l’atmosphère est vide d’aérosols, et d’autres où elle en contient une
petite quantité. Si le modèle est exact, le passage d’une situation à
l’autre doit être spectaculaire. Les chercheurs ont voulu vérifier leur
théorie sur les nuages qui se forment dans cette région : des nuages
convectifs chauds qui sont alimentés par l’humidité de l’océan. Ayant
ainsi neutralisé l’influence d’autres facteurs potentiels (vent, grands
écarts de température, formations terrestres) le groupe a pu se
concentrer sur les aérosols, en utilisant les images quotidiennes des
satellites pour comparer la couverture nuageuse et les mesures de la
charge d’aérosols aux prédictions du modèle. Les nombreux types
différents d’analyses qu’ils ont utilisés ont ainsi démontré que leur
modèle était très proche des observations des satellites. Ils ont
ensuite utilisé une autre source de données : les instruments satellites
CERES (Clouds’ and the Earth’s Radiant Energy System) qui mesurent les
flux des radiations réfléchies et émises de la Terre vers l’espace, pour
que les chercheurs réussissent à comprendre comment le climat varie au
cours du temps. Lorsque l’analyse a été effectuée avec la même charge
d’aérosols, sur la même surface et en même temps, le résultat, selon le
Pr Koren, a été une « démonstration classique » de l’effet de
renforcement des aérosols supplémentaires sur les nuages. En d’autres
mots, les données du rayonnement correspondent à la signature
particulière des nuages qui deviennent de plus en plus étendus et de
plus en plus épais. Ces nuages montrent une augmentation notable du
refroidissement, due à la réflexion du rayonnement des petites longueurs
d’ondes, mais cet effet est partiellement neutralisé par le rayonnement
de longueurs d’onde plus grandes, renforcé par le rayonnement venant
d’en bas. Au moins au-dessus des océans, les conditions préindustrielles
des nuages devaient être très différentes de ce qu’elles sont
aujourd’hui. Ceci implique que les aérosols qui se sont ajoutés à
l’atmosphère peuvent avoir eu un effet notable sur les modalités
globales de la formation des nuages et de la pluie.

Selon le Pr Koren : "Nous avons montré que les nuages convectifs ne
cessent pas nécessairement d’être limités par leur contenu en aérosols.
En effet, dans des conditions de pollution relative, l’augmentation de
la charge d’aérosols fait que les nuages sont plus épais et plus
étendus, et qu’ils provoquent des pluies plus fortes. Lorsque la surface
de cette couverture nuageuse grandit, elle reflète plus de rayonnement
des petites longueurs d’ondes. Mais lorsque les nuages sont plus épais,
leur effet de serre devient plus important, et il neutralise environ la
moitié de l’effet du refroidissement."

Weizmann Institute of Science
Israel Science Info – 25-06-2014